4 Déc. 2014

Massaya, le vin du soleil et du courage

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Sami Ghosn, c’est le vigneron de la Vallée de la Beqaa au Nord-est du Liban, à mi-chemin entre Beyrouth et Damas. Seulement quarante kilomètres le séparent de ces deux capitales.

Par Roget Huet, LaMetropole.com

Son vignoble est entouré de deux chaînes de montages qui sont le Mont Liban et l’Anti-Liban. La Beqaa est une vallée fertile qui a été le grenier du Moyen-Orient depuis l’antiquité. Ses parents, chrétiens maronites, avaient acheté le domaine Tanaïl en 1970, où ils cultivaient du raisin de table, avaient un jardin potager biologique et élevaient quelques chevaux. Survient  la guerre civile en 1975 et la famille Ghosn est obligée de fuir. Le conflit s’estompe mais leur domaine est occupé par des squatters musulmans qui refusent de partir.

Le temps passe, Sami Ghosn part en France où il étudie l’architecture et s’installe finalement aux États-Unis. Son père lui écrit que les gens qui ont occupé de force leur domaine font pression sur lui pour qu’il leur cède la propriété à vil prix, en leur disant qu’ils ne reviendront jamais. On voulait vider le Liban de la présence chrétienne.

Sami est l’ainé de la famille et son père lui laisse le choix de la décision. Sami qui aime son pays pense qu’il doit rentrer et une fois sur place il travaille pour reprendre son domaine. Après de longues tractations où il met sa vie en danger, les squatters acceptent finalement de partir. La propriété est en ruines, il faut tout rebâtir. Maintenant qu’il a récupéré le domaine Sami veut en faire quelque chose. Il rend visite à un vieil homme chrétien de la montagne qui a surmonté toutes les péripéties de la guerre et qui cultive sa ferme avec amour. Le vieux sage lui conseille de commencer par faire de l’Arak une eau-de-vie de vin anisée typique du Liban et de la Syrie. Sami décide de poursuivre cette idée, et bâtit un chai, loue un alambic  dit  à tête de Maure, qui est l’ancêtre de l’alambic charentais, achète dix tonnes de raisin blanc libanais appelé Obeïdi, et de l’anis du Mont Elmont en Syrie. Il produit son premier Arak qu’il  fait vieillir dans des jarres en céramique.  Le produit est magnifique, fait de façon artisanale, à l’ancienne.  Au début il le vend dans la pharmacie de sa mère à Beyrouth comme produit biologique, avec des étiquettes écrites à la main. Ensuite il invente une bouteille bleue comme le ciel de la Beqaa. L’Arak Massaya est né et c’est un des meilleurs au monde.

La proximité des vignes lui donne envie de faire du vin. Il arrache ses plants de raisin de table en 1997 et plante des cépages français : le Grenache, la Syrah et le Cabernet Sauvignon.

Le terroir de Massaya est argilo-calcaire. Comme il est à 900 mètres d’altitude, et qu’il se trouve près des montagnes enneigées il n’a pas besoin d’être irrigué. Entre avril et septembre il ne tombe  pas une goutte d’eau donc pas de problème de vers ni de champignons. Les vins de Massaya sont organiques et c’est presque par défaut, c’est facile à faire des bons vins à Massaya, le terroir est de rêve et le raisin magnifique.

Pour faire du vin, le défi pour Sami Ghosn  va bien au-delà du Liban. Il lui fallait trouver la connaissance technique à la fine pointe. Les Libanais descendent des Phéniciens. Ils voyagent, font des rencontres et des échanges. Sami connaissait quelqu’un à Bordeaux qui lui avait vendu des bouchons et une fois qu’il lui dit ce dont il a besoin, son correspondant lui présenté des gens. La première cave qu’il visite à Bordeaux est celle de Cheval Blanc. Sami ne savait rien de Cheval Blanc et c’est Dominique Hébrard qui le reçoit en personne. Le CV  de Sami c’est la bouteille bleue d’Arak. Dominique Hébrard se montre intéressé et veut visiter le Liban pour aller aux sources du vin.  Le Liban a une histoire vinicole grandiose biblique et prébiblique. Le premier miracle du Christ, quand il a changé l’eau en vin c’était à Cana, au Sud Liban. Les Romains ont bâti  le temple de Bacchus dans la plaine de la Bekaa  à quelques kilomètres du domaine de Massaya.

Dominique Hébrard  constate qu’ils ont le climat parfait pour faire des vins de qualité et c’est ce qui le décide à participer à la naissance du vin de Massaya.  Plus tard, Sami a pensé que les cépages plus méditerranéens seraient encore plus proches de son terroir.  Il fallait faire une sorte d’escale entre Bordeaux et la Beqaa et il rencontre les Brunier du domaine Le Vieux Télégraphe à Châteauneuf du Pape. Après une semaine de  réflexion, eux aussi se disent partants.  Sami a expliqué  à ses deux interlocuteurs qu’il voulait qu’ils soient des partenaires qui investissent et non des consultants qui le quittent au premier pépin qui arriverait au Liban. Ils ont mis de l’argent et depuis ils ont investi cinquante fois la mise initiale. Le vignoble est passé de 5 à 40 hectares, et ses vins accumulent les prix et les médailles.

Massaya produit toujours aujourd’hui son Arak artisanal et un vin blanc, un rosé et trois vins rouges magnifiques.  Les affaires vont bien, et soudain éclate la guerre civile en Syrie.  Le Liban se voit envahi par 2 millions et demi de réfugiés, presque tous musulmans qui s’éparpillent dans tout le territoire. J’ai demandé à Sami Ghosn qu’est-ce qui arrivera lorsque la guerre de Syrie se terminera, est-ce que les réfugiés vont regagner leur pays. Il m’a répondu que d’abord la guerre de Syrie risquait de se prolonger encore 10 ans et qu’une fois finie, les réfugiés Syriens qui ont tout perdu en Syrie, auront eu le temps de s’installer au Liban et qu’il ne croyait pas qu’ils repartiraient.

Sami Ghosn et ses associés tiennent le coup. Ils achètent un deuxième vignoble au Mont Liban et y bâtissent un chai, «pour ne pas mettre tous les œufs dans un même panier» Le Liban est un pays miracle et toutes les factions qui ont été en guerre pendant longtemps se sont ressoudés face au danger extérieur.  Les Chrétiens jouent à nouveau un rôle important pour la cohésion, et ils ont l’armée de leur côté.  Le Liban vit entre l’espoir et l’insécurité depuis l’antiquité. On finit par s’y habituer et par réussir sa vie malgré tout car «le jeu en vaut la chandelle».

Sami Ghosn m’a apporté une bouteille d’Arak El Massaya et  trois de ses vins rouges à déguster.

L’Arak El Massaya, 56 º d’alcool, a été distillé trois fois ce qui lui confère une grande finesse. À la fin de la deuxième distillation, le produit macère avec des graines d’anis vert pendant 18 heures. L’alambic est alimenté avec un feu de sarments de vigne.  Son élevage pendant deux ans en jarres de céramique ouvertes contribue à lui donner son velouté incomparable.

Pour le servir on verse d’abord l’Arak El Massaya dans un verre et on l’allonge d’environ 6 fois son volume d’eau fraîche. Au contact de l’eau il devient opalescent. On ajoute des glaçons seulement à la fin. L’Arak est une boisson conviviale qui meuble la conversation pendant des heures sur la terrasse, il s’agence avec une foule de produits et on peut en faire des cocktails incroyables,  dont on trouvera les recettes sur internet à cette adresse : https://www.massaya.com/Arak-Cocktails.aspx .  Dans la tradition libanaise on le boit aussi en accompagnement d’un repas méditerranéen, il est rafraîchissant avec des mets relevés.  On peut le prendre en digestif avec quelques gouttes d’El Massaya dans le café. Les Espagnols appellent cela un carajillo.

L’Arak El Massaya est disponible à la SAQ code 10761348  Prix  32$ la bouteille de 500 ml.

J’ai dégusté le Massaya Classsic 2011, étiquette rouge, 60% Cinsault, 20 % Cabernet-sauvignon et  20 %,  Syrah,  15 º d’alcool.

Belle robe couleur rouge cerise foncé; des arômes de fruits rouges et de fruits noirs et un côté poivré qui est caractéristique des vins de Massaya. En bouche c’est un vin ample, fruité, convivial, avec une belle structure; son acidité est bien balancée avec ses tanins charnus et l’alcool. C’est leur seul vin rouge qui a une capsule à vis. C’est un vin qui accompagne bien les salades à cause de son côté poivré et épicé qui relève bien l’huile d’olive et le citron. Excellent avec les tapas, les pâtes, et les viandes rouges. On doit le servir à 17 ºC. Peut se conserver en cave jusqu’à 6 ans.

Le Massaya Classsic millésime 2012 est disponible à la SAQ, code 10700764 Prix 16,80$.

J’ai dégusté aussi le Massaya Sélection Tanaïl 2010, étiquette argent, 40% Grenache, 30% Cinsault, 15% Cabernet Sauvignon  et 15% Mourvèdre, 15º d’alcool.

Robe rouge intense tirant vers le violet. Des arômes complexes d’épices, de violette, de cerise noire, de prune, de réglisse, de chocolat, de tabac de vanille et de cèdre, car ce vin est élevé en fûts de bois. Une bouche ample, joyeuse bien structurée, avec des tanins ronds et gourmands, une finale persistante. Un vin pour accompagner des repas festifs à base d’agneau et de la viande en sauce, comme le couscous,  bon également avec les fromages à pâte molle.  On doit le servir autour de 17 ºC. Peut se conserver en cave jusqu’à 8 ans.

Le Massaya Sélection Tanaïl 2010, est disponible à la SAQ, code 00904102 Prix 21,25$.

J’ai finalement dégusté le Massaya Gold Réserve 2009, 50% Cabernet Sauvignon, 40% Mourvèdre  et 10% Syrah, 14,5º d’alcool.

Les arômes sont tout en nuances, en équilibre. On perçoit de la violette, du poivre, de la cardamone, de la cannelle, de la cerise, de la prune, du moka, un soupçon de tabac et de la vanille. Un deuxième nez nous dévoile des parfums de sous-bois, de truffe, du bois de santal.  En bouche, il est d’une élégance rare, avec des tanins nobles et veloutés, les fruits et le poivre qui reviennent, l’acidité et les tanins en équilibre avec l’alcool. Ce vin caresse votre bouche et se termine dans une longue finale gourmande.

Le Massaya Gold Réserve est un vin de gastronomie qui appelle un steak au poivre saignant ou du gibier. Il est parfait avec le jambon de Bayonne, et avec un plateau de fromages. Il gagne à reposer en carafe pendant une heure. On doit le servir à 17 ºC. Il peut se conserver en cave jusqu’à 10 ans.  Le Massaya Gold Réserve 2009 est disponible à la SAQ, code  10856929 Prix 39,75$.

Sami Ghosn est rentré au Liban, où l’attendaient son frère Ramzi qui est son bras droit, et sa sœur Gadah qui a une grande force d’âme. Sami a aussi des enfants qui grandissent et qui seront un jour sa relève.

Longue et belle vie à mon ami et à son pays, ce Liban qui en dépit de tout demeure la Perle du Moyen-Orient.

MASSAYA

Sami Ghosn 

Ils sont représentés au Québec par Sélections Œno
Roch Bissonnette, président

Noël Fourcroy, directeur des ventes
Tél. : 514-769-1990

André Dagenais, agent
Tél. : 514-769-1990

SAMY RABBAT